Duel – Le tout premier film de Steven Spielberg !
Duel de Steven Spielberg (1971), USA, 1h32 – À partir de 14 ans
Drame, thriller
Sur une route californienne, un modeste employé de commerce se voit pris en chasse par un énorme camion. Une course-poursuite effrénée s’engage…
« Coup d’essai et coup de maître pour Steven Spielberg qui signe ici un téléfilm au suspense haletant, entièrement porté par le brio de sa réalisation.
Alors qu’il n’est encore qu’un petit réalisateur de télévision enchaînant les épisodes de séries télévisées, le très jeune Steven Spielberg tombe sur une courte nouvelle signée Richard Matheson, écrivain de SF reconnu et également scénariste de nombreux épisodes de La quatrième dimension. Cette histoire conte la course-poursuite effrénée entre une voiture de tourisme et un camion fou, sans que l’on sache vraiment les motivations du conducteur de l’engin meurtrier. Réunissant 450 000 malheureux dollars, le réalisateur embarque pour un tournage de 13 jours l’acteur Dennis Weaver qu’il a admiré dans La soif du mal (1958). Le résultat final tient du pur miracle, à tel point que devant le formidable succès d’audience, les distributeurs européens décident de sortir le téléfilm dans une petite combinaison de salles en 1973.
Semblant suivre les préceptes d’un Flaubert qui cherchait à créer une œuvre reposant intégralement sur le style, Spielberg s’empare d’une histoire basique et parvient à mettre à rude épreuve les nerfs du spectateur. Il ne lui faut pas plus de dix minutes pour installer la logique de son histoire : un camion-citerne se met à poursuivre un simple quidam en voiture et tente de le tuer lors d’assauts de plus en plus violents. Le spectateur est placé dans la même situation que la proie, ignorant ce qui pousse le camionneur à agir de la sorte. Si l’on distingue à de nombreuses reprises les bras du conducteur, le cinéaste parvient à donner vie au camion en en faisant une entité maléfique.
A la lisière du fantastique, le long-métrage distord imperceptiblement le réel pour entraîner le personnage et le spectateur dans la logique du cauchemar. Ainsi, les cadrages tout d’abord classiques deviennent peu à peu plus inconfortables (caméra penchée, grand angle utilisé pour des gros plans) et le montage devient de plus en plus saccadé afin de créer une tension de plus en plus insoutenable. Maîtrisant l’art du suspense hérité d’Alfred Hitchcock (notamment des Oiseaux et la séquence de l’avion pourchassant Cary Grant dans La mort aux trousses), Spielberg rend également hommage au western par l’utilisation qu’il fait du cadre désertique. Si le cheval a été remplacé par une machine infernale, nous sommes bien en présence d’un duel ancestral : celui de la proie cherchant à échapper à son assaillant. Sorte de survival mécanique, Duel impressionne par sa capacité à évacuer toute interprétation sociologique pour se concentrer sur une peur primale de l’être humain, celle de perdre sa suprématie d’espèce dominante et de redevenir une proie potentielle. Il n’est finalement pas étonnant du tout que les producteurs aient fait appel à Spielberg pour tourner quelques années plus tard Les dents de la mer (1975), dont la thématique principale n’est pas si éloignée. Si Duel est parfois limité dans sa portée thématique, il n’en demeure pas moins un coup de maître qui révélait un sacré tempérament de cinéaste. » A voir à lire